Histoire et foi                                            Accueil

Un parcours personnel

Issu d'une famille catholique devenue non pratiquante, j'ai été baptisé tout petit, mais n'ai jamais reçu d'éducation religieuse. J'ai toujours, cependant, éprouvé en moi une certaine sensibilité chrétienne, qui est restée plus ou moins endormie. Relisant cette période de ma vie avec du recul, je l'interprète en constatant que le Ciel m'a envoyé successivement plusieurs signes m'invitant à aller plus loin, à travers une amitié ou une invitation, que je n'a pas su accueillir. Je comprends à présent que le Seigneur respecte tant la liberté de l'homme qu'il attend souvent une disponibilité de cœur suffisante afin de manifester pleinement son projet personnel d'amour pour lui.

Il a fallu qu'au cours de mes études, à l'âge de 20 ans, je change complètement de contexte pour que je m'ouvre enfin à la grâce de Dieu. Devenu élève interne de classe préparatoire littéraire au lycée Henri-IV à Paris - moi qui n'avais jamais quitté durablement ma Provence natale - seul, loin de chez moi et des miens, sans aucun repère, je me trouvai dans une situation inédite de certaine instabilité, favorable à une remise en cause fondamentale. La maladie puis la mort d'un vieil oncle, au chevet duquel je n'ai pas pu me rendre, n'a fait qu'ajouter au sentiment d'insécurité. Je ne voudrais toutefois pas qu'on imagine que ma foi naquit d'un simple besoin de compensation psychologique à telle ou telle angoisse. Cet évident aspect psychologique, je ne le nie pas, mais j'affirme plutôt qu'il fut l'aiguillon qui poussa ma recherche spirituelle et qui permit à la grâce de Dieu de se manifester.

En vérité, ce fut un questionnement philosophique parfaitement conscient qui a rapidement surgi en moi. Durant tout le mois de septembre, face à la difficulté de mon adaptation à la vie parisienne (j'ai, par exemple, d'abord passé quelques jours d'incertitude, me trouvant sur la liste d'attente de l'internat, résolus par le dévouement sans borne d'amis connus par les bons soins de la Providence), se bousculaient des questions essentielles : pourquoi suis-je ici, éloigné de ma famille, à travailler d'arrache-pied pour un concours que je ne suis pas du tout sûr d'obtenir ? Qu'est-ce qui me pousse à résister, à ne pas abandonner et retourner chez moi, malgré des circonstances visiblement contraires ? Pourquoi étudier à Paris en me privant de la proximité de ceux que j'aime ? Plus fondamentalement, pourquoi travailler aussi dur dans sa vie quand on sait que la mort viendra un jour, qu'il soit précoce ou tardif, interrompre son parcours ? A quoi bon se donner tant de mal sur la Terre pour n'entrer finalement que dans le néant ? Oui, à quoi bon s'il ne reste rien ?... C'est alors que cette fibre religieuse que je sentais présente en moi fut naturellement sollicitée et questionnée : est-il bien vrai qu'il existe quelque chose au-delà de cette existence, un monde qui puisse donner sens à un trajet personnel ? La réponse était, pour moi, loin d'être évidente. Questionnements et doutes m'assaillaient de toutes parts.

Il fallait cependant que j'obtienne rapidement une réponse sûre. J'avais bien l'idée d'aller dans une église, mais le fait de n'y être jamais entré auparavant - hormis une furtive visite touristique bien des années avant - me donnait une réticence invincible. Je me promenai donc, deux semaines après la rentrée, près d'une église de mon quartier parisien et en fis le tour, mais n'osai nullement franchir le seuil. Cela me paraissait interdit. En avais-je d'ailleurs le droit, me demandais-je ?... C'est finalement trois semaines plus tard que j'eus l'audace d'ouvrir la grand-porte. Je me retrouvais pour la (quasi-)première fois dans une église ! Mais mes yeux ébahis par la surprise, la beauté du lieu et les multiples œuvres d'art m'interdirent de me poser la moindre question spirituelle. Je n'en sortis donc pas plus avancé sur ce qui me préoccupait. Quelques jours plus tard, pourtant, je me décidai à retenter l'expérience, impatient que j'étais d'obtenir une réponse à mes questions. Obtenir comment ? Je ne le savais même pas moi-même. Toujours est-il que, cette fois, connaissant déjà l'église du quartier, je me suis avancé jusqu'aux premiers rangs de la nef vide, face à l'autel et au chœur. J'ai prié, longuement. Sans trop savoir comment, d'ailleurs. Au bout de je ne sais combien de temps, j'ai reçu dans mon cœur une voix intérieure. Aucun miracle, aucun événement extraordinaire, mais une simple voix au fond de moi, et pourtant extérieure à moi, qui disait la certitude absolue de l'existence de Dieu et, surtout, de son amour pour moi.

Dois-je ajouter que cela venait de bouleverser ma vie ? En un instant, je n'étais plus en recherche et toutes mes questions étaient résolues. J'étais vraiment devenu chrétien. Je ne m'en suis pas vraiment rendu compte sur le moment, mais Jésus venait de me parler et de me dire qu'il m'aimait ! Ma vie alors s'est mise à changer sous l'action de la grâce de Dieu. J'ai commencé à aller à la messe, à communier, à parler avec des chrétiens, avec des prêtres, à éprouver une soif immense de mieux connaître Dieu, à vaincre peu à peu une timidité maladive que j'avais éprouvée toute mon adolescence, à connaître enfin la joie profonde, moi qui avais un tempérament plutôt pessimiste, malgré l'illusion que je faisais souvent paraître. Depuis, malgré les épreuves (la première fut mon échec au concours que je préparais), malgré les doutes et les moments de flottement, mais aussi dans les immenses joies et les nombreuses expériences spirituelles, je tente de répondre à l'extraordinaire amour que le Seigneur me donne, que le Seigneur donne à tous les hommes qui le cherchent sincèrement...

A. V., 26 mai 2008

A lire :           Livret Dieu est un poème

                            Articles dans le bulletin paroissial de Saint-François-de-Paule (Toulon) : rubriques "Un jour, un saint" et "Histoire de foi"